25 novembre 2008

Ségolène Royal, et tous les autres loin derrière ...

Denis Tillinac dans Marianne

Elle fait de la politique comme Blair au temps
de sa splendeur, comme Obama pendant sa campagne.

Au moment où j'écris ces lignes, j'ignore si la conjonction de la vindicte, du conformisme et de la pusillanimité aura ou pas éreinté Ségolène Royal. Mais je suis sûr qu'elle seule est capable de métamorphoser le PS, comme jadis Mitterrand a régénéré la SFIO. Je n'ai rien contre Martine Aubry ; son minois de petite fille rageuse et effron­tée qui veut rafler toutes les billes des copains à la récré a quelque chose d'attendrissant. En outre, elle est la fille d'un homme qui, depuis toujours, m'inspire du respect, de l'admiration et de la sympathie. Mais elle fait de la politique comme Jospin, comme Fabius, comme Delanoé, comme Hollande, comme Hamon. Comme tous, dans le marigot de Solferino.

Sa gauche « sociale » et syndicale est aussi démodée qu'une chanson de Luis Mariano.

Le PS qu'elle veut ressusciter, c'est la SFIO de Mollet après l'ébullition de Mai 68, une maison de retraite médicalisée où l'on touille entre soi des « motions » en usant d'un patois inaccessible au commun des mortels. Elle inspire la comparaison avec ces romans dits « de terroir» à la mode des années 80 qui nous ont bercés de nostalgie quand agonisait l'antique ruralité. Sa ligne politique, adoptée à ses propres dépens par Delanoê, c'est une rétraction mélanco­lique sur le patriotisme de parti, et rien d'autre.

L'argutie relative aux « alliances » ne tient pas non plus la route : quel socialiste en instance de prendre le pouvoir est, ou fut, assez dingue pour refuser de tendre sa sébile aux centristes? Pas Blum en 1936. Pas Mitterrand non plus. En fait, la vraie ligne, qu'ils n'osent avouer à ciel ouvert, c'est leur haine de Ségolène. Haine mêlée d'une trouille bleue, car ils savent pertinemment qu'avec cette darne aux commandes les voluptés délétères de l'endogamie, pour ne pas dire de l'inceste, n'auront plus droit de cité.

Ségolène Royal a tout pour déplaire aux « socialos » d'appareil et aux caciques qui, depuis la mort de Mitterrand, les manipulent sans panache : elle est belle à ravir, son langage tranche net avec le cléricalisme suranné des sections, fédé­rations, motions et cætera. Surtout, elle fait de la politique comme Blair du temps de sa splendeur, comme Obama durant sa campagne d'Amérique.

Comme Sarkozy au fond, qui la redoutait l'an dernier et pour cause : ça décoiffe, ça déroute, ça oxygène, ça rajeunit et, souvent, ça gagne. Ségo­lène habite son époque ; elle capte des ferveurs en pianotant avec une rare virtuosité sur le registre de l'émotion, tantôt pure madone, tantôt prêtresse messianique, et le syncrétisme qui en résulte réduit les palabres de ses faux camarades aux acquêts d'un vide-greniers d'envergure cantonale. Sans elle, qui se serait soucié d'un congrès socialiste ? Même pas un militant socialiste. Sans elle, sans le couple antagoniste qu'elle forme avec Sarkozy, la politicaillerie pépère des pros de la combine ferait le bonheur d'un poujadisme peut-être rouge, peut-être brun. Le charme incroyable qui émane de sa personne, la foi presque mystique en son destin, c'est la seule rédemption imaginable pour la gauche française.

Si la coalition des aigreurs parvient à la déquiller, les opposants à Sarkozy devront choisir entre Bayrou et Besancenot. Mais, avec ou sans le PS, voire contre son aval, Ségo ne se laissera pas marginaliser, car, pour l'heure, nul autre qu'elle n'est enphase avec la sociologique pointilliste de ce début de siècle. Je sais bien qu'en privé les dignitai­res de son parti (son ?) la qualifient obligeamment d'idiote au long cours, ou de mégalo forcenée. Ou les deux. Souvent ils ajoutent l'hystérie, pour faire un compte rond. Leur aversion (euphémisme) est à la mesure du chambardement mental qu'elle leur inflige. Ils voudraient ressusciter feu le PS de leurs tendres années, chose impossible; elle ambitionne de bâtir une manière de parti démocrate ouvert aux vents du large et susceptible d'équilibrer le sarkozysme.

On me dira que, n'étant pas électeur socia­liste, l'avenir de la gauche ne me regarde en rien. Je rétorquerai qu'étant citoyen de la Répu­blique française la perspective d'une opposition hissant des voiles un peu fraîches et chatoyantes ne saurait me laisser indifférent. Je ne suis pas prêt à me convertir au ségolénisme, mais je le crédite d'avoir notablement réenchanté la sphère politique. C'est mieux que rien.

A droite il y a Sarko, et tous les autres derrière.

A gauche, il y a Ségo, et tous les autres loin derrière.

Seule contre tous avec son aura, son courage, sa passion, son feeling.

Ça ressemble au prologue d'une épopée et ça me plaît •

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Un texte écrit par un mec de droite qui a une sacrée analyse, il m' épate non pas parce qu' il préfère Ségolène à Martine, mais sa réflexion rejoint la mienne !

Suis-je devenu de droite ???

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