07 mai 2008

Jacques Julliard du Nouvel Obs parle de la Déclaration de principe du PS

J'ai trouvé cette intervention interessante ...
Des amis pensent comme moi et vous ?


Ps : le retour aux sources

Cette fois-ci, on ne nous bassinera plus, je l'espère, avec l'effroyable archaïsme du Parti socialiste.
Les éditorialistes de droite qui en avaient fait, mines contrites, leur fonds de commerce vont devoir trouver autre chose.
La nouvelle déclaration de principes qui sera soumise à un vote lors de la convention nationale PS du 14 juin est un Bad Godesberg en bonne et due forme.
-La révolution ? Quelle révolution ?
-La lutte des classes ? Quelle lutte et quelles classes ?
-L'appropriation collective des moyens de production, les nationalisations ? Chansons que tout cela. ---Le combat pour la répartition de la plus-value ? Vous n'y pensez pas !
-Le Parti socialiste veut pour le travail une rémunération «juste» : nous voilà plus proches de Léon XIII que de Karl Marx.
Le PS, qu'on se le dise, est progressiste (article 4), démocrate (art. 5), républicain (art. 11), laïque (art. 12), réformiste (art. 13), culturel (art.16) et européen (art. 17).
Voilà un texte qui vaut plus par ce qu'il omet que par ce qu'il préconise.
On ne voit pas, du reste, ce que Bayrou, Villepin, voire Fillon et Sarkozy auraient à objecter à cela, ni non plus, Dieu me pardonne, Laurence Parisot.
Aimez-vous l'écologie ? On en a mis partout.
La préoccupation environnementale, la sauvegarde de la planète, le développement durable ne sont pas évoqués à moins de onze reprises dans le texte, alors que la mondialisation en est pratiquement absente.
Les droits de l'homme sont cités avec parcimonie, lointain écho, sans doute, d'une époque pas si lointaine où ils étaient considérés comme une mystification bourgeoise.
En revanche, je me réjouis de ce que le texte ait une tonalité résolument anticommunautariste («il [le PS] ne considère pas la nation comme une juxtaposition de communautés mais comme un contrat entre citoyens libres et responsables») et qu'à côté de la démocratie représentative il fasse une place à la démocratie participative.
Ségolène Royal va être contente et moi aussi.


Le référentiel d'une telle déclaration est impeccablement républicain : le préambule évoque l'humanisme, les Lumières, la Révolution française, le Front populaire, la Libération, mai 1981.
Mais non Mai-68.
Et j'ai trouvé le «souvenir de la Commune» un peu limitatif. A chacun sa sensibilité.
Pour moi qui suis né tout à la fois socialiste et réformiste, et qui déteste les bourgeois glacés et guillotineurs de 1793, je mourrai avec la Commune de Paris dans le coeur.
Jamais le mouvement populaire n'aura été aussi grand, aussi noble, aussi généreux que dans cet effort héroïque pour se hausser au-dessus de sa condition. Car tout cela n'empêche pas, Nicolas, que la Commune n'est pas morte !
Et le socialisme lui-même, au terme de cette revue de détails, est-ce qu'il est mort ?
Nullement.
Le voici qui revient, et le texte le dit très bien, à ses origines philosophiques : soit un effort permanent de maîtrise et de régulation, car ses objectifs, qui se confondent avec ceux de l'idéal démocratique dans la plus large acception, «ne peuvent être atteints à partir du fonctionnement spontané de l'économie et de la société».
Contre l'idéal libéral, dont il serait vain de nier l'ambition, le socialisme, d'hier à demain, c'est le refus d'une économie automatique, c'est le refus d'une société automatique.
C'est le primat du conscient et du volontaire sur l'inconscient et sur l'inné, contre l'optimisme fondamental du libéralisme qui pense qu'à condition qu'on laisse faire les choses finiront toujours par s'arranger (mais au profit des plus forts !).
Le socialisme, je ne crains pas de le dire, combine le pessimisme de l'analyse avec l'optimisme de la volonté.
Quand je vous disais que rien n'est plus urgent que de réconcilier la gauche avec Pascal...
Au total, le texte n'ose pas aller jusque-là; mais je me permets de le dire à sa place : plus que jamais, comme le pensait Charles Péguy, le socialisme sera moral ou ne sera pas.
De la seule morale qui vaille : non celle que l'on fait aux autres mais celle que l'on s'impose à soi-même; celle qui relève de la «culture de soi-même» (Fernand Pelloutier).
Vraie revanche de l'esprit libertaire sur les bureaucrates de toute farine.
Si j'en juge par ce que je sais des dirigeants socialistes actuels, il y a encore du travail.


Jacques Julliard
Le Nouvel Observateur

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