Monsieur le président,
Vous avez déclaré avoir « demandé au ministre de l’Education nationale de faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah ».
Eh bien non, Monsieur le président, je n’accepterai pas que mon fils, qui a 4 ans, soit soumis à 9, 10 ou 11 ans à une obligation de compassion sur le malheur passé et les crimes des hommes à travers les siècles : à cet âge, on a encore le droit de croire que les hommes ne sont pas tous mauvais et d’ignorer les horreurs du passé.
A cet âge, Monsieur le président, on n’a pas à se flageller le corps et l’esprit pour expier les crimes des générations précédentes, parfois lointaines : on est insouciant et heureux, et l’esprit ainsi prêt à accepter la liberté future à travers les difficultés de la vie.
Cette entreprise de contrainte psychologique et émotionnelle des enfants, dans la suite de la lamentable lecture de la lettre du malheureux Guy Môquet, dans une logique d’abrutissement compassionnel, ne peut amener que trouble dans les esprits des enfants et violences en retour.
Nos enfants, Monsieur le président, n’ont pas à se sentir responsables ni concernés par les horreurs du passé. Surtout pas : voulez-vous donc qu’ils soient choqués et affligés, ou a contrario qu’ils rient de ces abominations pour se protéger ? Imaginez-vous ce que pourrait être l’état d’esprit d’un enfant de 10 ans à qui on dirait : voilà, mon enfant, ce petit garçon, dont voici les nom et prénom, a été persécuté, affamé, battu, puis gazé par les nazis ; tu dois penser à lui ? Veux-tu des détails, voir des photos, des films montrant ces malheureux ?
Et pourquoi donc les seuls enfants français ? Les enfants juifs allemands réfugiés en France, les enfants de résistants italiens ou allemands ont-ils démérité ? Quel est ce curieux nationalisme de la douleur ? Alors, que faudra-t-il, après ce commencement ? Que chaque élève de CM1 « se voie confier la mémoire » d’un petit Rwandais victime du génocide ? Que chaque élève de CE2 « se voie confier la mémoire » d’un petit Arménien massacré ?
J’appelle tous les citoyens, jeunes et vieux, croyants et incroyants, parents ou non, de toutes origines et de toutes idées, à protester contre ce projet dont la réalisation serait un évident abus de pouvoir de l’Etat.
Monsieur le président, laissez vivre nos enfants. Ne rendez pas des innocents responsables des épouvantables meurtres d’autres innocents. Qui êtes-vous pour vouloir leur enlever la joie ?
Denise VANEL
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