25 juillet 2009

Lu dans Marianne du 25 au 31 juillet 2009

La chasse au PS PAR JOSEPH MACÉ-SCARON

C 'est le nouveau jeu de l'été. Vous avez un bon mot rentré à placer ? Vous rêvez de passer à nouveau sous les feux des projecteurs de l'actualité sans prendre le risque de vous griller les ailes ? Vous avez, plus simplement, quelque chose qui vous est resté sur l'estomac (le plat du jour d'un restaurateur, un déjeuner tendu dans la maison familiale de vacances, des travaux publics dans « votre » village du Luberon...). Alors, n'hésitez pas ! Le défouloir est tout trouvé : le Parti socialiste. C'est commode, c'est facile et (à court terme) cela peut rapporter gros.

Mais pourquoi tant de hyènes ? se demande l'électeur qui voit des animaux politiques de toute taille martyriser ce grand corps malade de la vie politique. A la longue cet acharnement à vouloir mordre, puis à fuir, puis à japper, pour revenir mordre de nouveau finit par donner la nausée. Pourtant cette pratique est ancienne. Cette offre répond à une demande médiatique constante : la prime à celui qui tire contre son camp. Autant dire que les hiérarques socialistes sont des clients fantastiques et si peu exigeants.

Pensez donc : ils sont prêts pour un quart d'heure de célébrité warholienne à passer pardessus bord plus de trente ans de luttes, de combats, d'ambitions mais aussi d'abnégations. Si l'on regarde, avec la curiosité de l'entomologiste, ces ballets de fourmis rouges, on ne se dit pas : « Comment se fait-il qu'il n'y ait que 100 000 militants au PS ? », mais : « Comment se fait-il qu'il y ait encore des militants ? » Tant on prend un soin sadique à les dégoûter, à les décourager. Il faut bien que le Parti socialiste réponde à une nécessité politique pour que cette formation n'ait pas suivi le chemin emprunté, autrefois, par le grand parti radical : un « parti »  juillet composé exclusivement d'élus et de notables.

Soyons sérieux, juste deux minutes. Ce que l'on reproche en premier lieu au PS, c'est d'être le dernier obstacle entre des destins présidentiels (ou providentiels) et nos concitoyens. Prenons bien soin de souligner le mot de « dernier », tant il est vrai que tous les autres partis politiques ne sont que de douillets cocons destinés, comme dans Alien, à nourrir le futur candidat au poste suprême qui dévorera par la suite tous ceux qui l'ont alimenté. Il y a, aujourd'hui, des partis fictifs comme il y a des sociétés fictives, des partis d'un jour, partis Kleenex vides de toute confrontation militante réelle, destinés à servir, pour un temps, l'apprenti présidentiable.

Il est sûr qu'il n'est pas près de nous parvenir le bruit d'un désaccord au sein de l'UMP.

Après l'échec fracassant des élections européennes, avez-vous entendu l'amorce d'un débat au sein du MoDem ?

On reproche au PS de mener une bataille de personnes. Mais il n'échappe à personne que les journalistes et éditorialistes politiques parlent de Besancenot, Bayrou, Sarkozy, Villiers, Le Pen comme si rien d'autre n'existait autour d'eux.

L'idée d'instituer un système de primaires à gauche est le type même d'idée absurde qui va occuper un bon moment quelques cohortes d'ambitieux et une flopée d'énarques inactifs (les uns n'excluent pas toujours les autres). Au prétexte de faire participer le plus grand nombre, l'organisation, la décision finale seront confisquées par un comité Théodule. On comprend la précipitation de certains à brandir cette solution miracle : c'est là le meilleur moyen d'en finir définitivement avec toute vie démocratique et partisane.

Gardons encore un peu de mémoire. Le P5 s'est toujours distingué par sa vie interne tumultueuse. Dans ses comités directeurs, François Mitterrand, pourtant peu porté à la discussion, acceptait la contestation. « On criait, on s'engueulait, nous rapporta un jour un vieux mitterrandiste, mais ça ne choquait personne. » Les conflits de personne et de pouvoir étaient toujours soigneusement camouflés par des débats d'idées. A la veille d'un congrès, l'emploi d'un terme, d'une notion, d'un concept plutôt qu'un autre était l'indice patent que des glissements stratégiques étaient en oeuvre.

Cette époque est en partie révolue, non pas en raison d'un quelconque péché originel du PS, mais parce que la logique interne de la V' République a eu raison de toutes les pratiques partisanes. Les courants puis les écuries présidentielles puis les ambitions individuelles ont fini par vitrifier toute confrontation intellectuelle et, plus largement, tout échange au sein des partis.

Martine Aubry y croit quand elle appelle à de multiples refondations (du parti, des idées, du programme..). Est-elle prête pour cela à la nécessaire confrontation des opinions ? La première secrétaire du PS partage avec les anciennes promotions énarchiques de la droite une solide culture du mépris. Elle déteste les petites phrases. Elle. qui, jadis, en distilla à profusion contre ses petits camarades. Pour refonder et donc accepter la contradiction, il lui faudra forcer son tempérament. Mais après tout...

Comme ce fut le cas en d'autres périodes de profondes mutations politiques, il existe un fossé entre ceux qui sont censés dire le monde et ceux qui le vivent, tout simplement. Cette déconnexion n'affecte pas que le PS, loin de là. A dire vrai, les socialistes ont peut-être même une longueur d'avance quand ils estiment qu'il s'agit là d'un problème qui relève davantage de la philosophie politique que d'un programme électoral. Ceux qui ânonnent que les socialistes n'ont pas d'idées feraient bien d'ouvrir, au choix, les livres de Vincent Peillon, Jacques Généreux, Louis Gautier...

Le grand mal dont souffre le PS, au fond, c'est l'extrême paresse de ceux qui sont censés rendre compte de ses faits et gestes. Beaucoup trop fatigués pour tenter de vivre le monde... •

Marianne / 25 au 31 juillet 2009

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Nous on a un chef, crétin !

Anonyme a dit…

Tu as tout à fait raison nicois civique !

Frédéric