29 avril 2009

Catherine Trautman et l' EUROPE

Dans un chat au Monde.fr, Catherine Trautmann, tête de liste socialiste dans le Grand Est pour les européennes, estime que la Commission sortante a "échoué sur tous les grands sujets".
Razim : Cela a-t-il un sens d'appeler à sanctionner Nicolas Sarkozy lors des européennes alors que les enjeux ne sont pas nationaux ?

Catherine Trautmann : Je pense que l'Union européenne, son cadre et ses politiques ont un impact direct sur la vie quotidienne des Français. Plus de 70 % des décisions prises au Parlement européen ont un effet sur les dispositions normatives ou les lois nationales. Ce qui concerne l'Europe est aussi une question nationale, et même domestique, pour les Français. La question posée par les Français aujourd'hui est de savoir si l'Union européenne peut apporter une réponse à la crise et à ses effets sociaux, en particulier, et ceci a à voir avec la politique nationale.

Le fait que la délégation socialiste française avait proposé au président de la République d'inscrire un certain nombre de mesures sociales dans l'agenda politique de l'Union, et que cette proposition ait été refusée, permet de comprendre pourquoi, au moins sur ce point, il y a eu en quelque sorte une faute politique.

Bernard : Reconnaissez-vous que Nicolas Sarkozy a porté haut la voix de la France et la voix de l'Europe pendant la présidence française de l'Union ?

Catherine Trautmann : Je considère que Nicolas Sarkozy devait faire son travail et agir en collégialité avec l'ensemble des chefs d'Etat. Je ne crois pas qu'il y ait un mérite particulier à faire correctement le travail demandé. Il a certes pris des initiatives, mais il y en a une qu'il n'a pas prise, et cela je le lui reproche : c'est de ne pas avoir discuté et obtenu des contreparties en matière de politique de sécurité et de défense à la décision prise de rejoindre le commandement intégré de l'OTAN.

Ce que je souligne par là, c'est que le président de la République est passé à côté d'objectifs majeurs qui concernent la demande de protection vis-à-vis de l'Union européenne, la protection dans l'emploi et la protection sociale proprement dite, et la garantie de sécurité intérieure et extérieure.

Hop : "Le Monde", dan son édition du 23 avril 2009, a publié un classement de l'activité des eurodéputés au Parlement européen. Il en ressort que la participation des eurodéputés français est très inégale. Est-ce que le PS a tenu compte de l'activité réelle des eurodéputés sortants lors de la composition des listes ?

Catherine Trautmann : Oui, bien sûr, et du travail concret. En ce qui me concerne, j'ai été très frappée car j'ai obtenu un 3 à ce classement. Je prends mon exemple, et c'est tout à fait parlant. Comme j'étais présente et vice-présidente de ma commission et seule socialiste française à être présente dans cette commission "industrie, télécommunications, recherche, énergie", j'ai dû essentiellement suivre les travaux de cette commission et non de manière aussi assidue celle où je suis suppléante, la commission "culture", où siègent plusieurs députés socialistes français. Par ailleurs, sont pris en compte les rapports. Pour ce qui me concerne, j'ai un rapport qui est celui du "paquet Télécom" sur lequel je travaille depuis presque deux ans et qui m'a supprimé la possibilité de traiter d'autres rapports. Donc je suis pénalisée dans cette notation alors que mes collègues m'ont fait confiance et m'ont demandé de traiter un rapport difficile.

CR7 : Quel est le principal thème que portera le PS pendant la campagne ?

Catherine Trautmann : Le principal thème est celui des avancées sociales. Elles conditionnent la confiance des Européens dans le processus de construction de l'Union. C'est celui qui impose la réforme des politiques de l'Union, politique industrielle – nous en manquons –, réforme de la politique agricole, mais aussi tout le cadre de l'application des réponses au changement climatique, accès à l'énergie, à la santé, résorption de la crise alimentaire. A partir de l'approche sociale, on est au cœur du débat sur la nécessité de changer notre modèle économique, c'est-à-dire la nécessité d'avoir une véritable gouvernance au service de l'emploi et du développement.

Yeti_des_Alpes : Créer une politique sociale a-t-il un sens dans une monde soumis au libre-échange ? Est-ce qu'il ne faut pas prendre des mesures protectionnistes pour réorganiser la structure sociale au sein de l'UE, même si le mot "protectionnisme" est un tabou dans la sphère politique ?

Catherine Trautmann : Cette question est posée. Elle est de savoir comment l'Union européenne sait se doter de politiques qui soient utiles à sa population. Ce n'est pas forcément pour autant fermer ses frontières aux échanges internationaux. Mais la problématique du juste-échange est précisément celle qui impose comme limites les inégalités sociales, le dumping fiscal, qui dans cette situation d'aujourd'hui sont les facteurs qui justifient, pour certains, la délocalisation d'activités. On est donc non pas hors du marché, mais dans un marché volontairement et fortement régulé.

Deuxième chose : la question politique qui accompagne cette réponse, c'est qu'il faut donner les conditions d'un rattrapage plus rapide aux pays de l'élargissement, pour que la situation dans laquelle ils sont ne les enferme pas dans la crise extrême et pour que nous ayons une solution économique et sociale à la disparité actuelle.

Cela suppose de mettre beaucoup plus de moyens financiers dans le plan de relance et de dégager des moyens pour ce rattrapage, ce qui jusqu'ici n'a pas été décidé. Je plaide ainsi fortement pour un emprunt européen qui permette de financer la relance industrielle, la réforme de la politique agricole et le soutien au rattrapage des pays de l'élargissement.

Yeti_des_Alpes : La France est déjà fortement endettée (80 % de son PIB)... Un plan de relance est-il encore souhaitable sachant qu'on s'éloigne encore des critères de convergence financiers de Maastricht ?

Catherine Trautmann : Aujourd'hui, sans souplesse dans l'application des critères de Maastricht, il n'y a pas de plan de relance possible. Et le Parti socialiste reproche au gouvernement de ne pas être suffisamment ambitieux et de ne voir que le volet économique et pas le volet social, notamment sur les minima sociaux. L'autre reproche que nous faisons, c'est d'avoir créé du déficit volontairement, par le bouclier fiscal.

Jarjar_1 : Les socialistes européens ont-ils pris position sur la loi Hadopi ? En tant qu'ancienne ministre de la culture qu'en pensez-vous ?

Catherine Trautmann : Les socialistes ont bien sûr pris position sur le débat créé par la loi Hadopi. Ils y ont d'ailleurs été obligés par le fait que le gouvernement français a cherché à profiter d'amendements sur le "paquet télécom" visant à valider le projet de loi français avant même que celui-ci soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il y a d'abord problème sur la méthode, car on ne peut pas demander à un Parlement comme le Parlement européen de valider une loi nationale dans une directive qui ne traitait pas de ce sujet.

La position des socialistes, c'est de considérer que toute sanction, comme la coupure, ne peut être décidée sans jugement.

Bernard: Quelle est la position du PS sur l'adhésion de la Turquie ? Et l'Albanie, la Croatie ?

Catherine Trautmann : En ce qui concerne la Turquie, le Parti socialiste considère que les mêmes conditions et critères doivent lui être imposés que pour tout autre pays qui a déjà pu adhérer. Car la Turquie a déposé sa candidature à l'adhésion il y a très longtemps et elle est membre fondateur du Conseil de l'Europe. Ce processus d'adhésion doit aller à son terme, le Parti socialiste, en tant que tel, ayant un avis positif sur cette adhésion. Sa position est la même pour les deux autres pays, Albanie et Croatie.
Reste la question du moment. Je suis persuadée que l'expérience de l'élargissement précédent, rapide et massif dans ses conséquences, doit nous inciter à une démarche raisonnable et, en tout état de cause, doit nous imposer d'avoir des institutions européennes en ordre de marche et capables de mener à terme tout nouvel élargissement.

Jean-Michel_Lucas : Quelles sont vos propositions relatives à la stratégie d'autonomie énergétique européenne ?

Catherine Trautmann : La stratégie européenne repose sur trois orientations : la première, c'est de développer des réseaux d'énergie en Europe ; deuxièmement, développer les énergies propres et les énergies renouvelables ; troisième dimension : la recherche, notamment par rapport à toutes les méthodes de gestion intelligente de l'énergie. Il faut produire de l'énergie sans CO2. Pour ma part, je considère que pendant un certain temps le recours au nucléaire reste utile, mais il faut accélérer le recours aux autres énergies renouvelables.

Mil16 : Pourquoi les socialistes français souhaitent-ils évincer M. Barroso de son poste alors que M. Zapatero et M. Brown souhaitent le laisser en poste et disent qu'il a fait du bon travail ? Cela ne montrerait-il pas les différences entre les différents partis socialistes d'Europe ?
Catherine Trautmann : Des différences entre les partis socialistes et les partis sociaux-démocrates en Europe, il y en a, mais nous les avons résorbées, pour ce qui est de notre programme d'action, dans le Manifesto. L'alternative politique que nous proposons, si elle emporte la majorité des voix, entraînera la désignation d'un président de Commission issu de nos rangs.
Je considère que la Commission n'a pas apporté les réponses attendues sur les grands sujets qui concernent la pauvreté, la garantie des services publics, la justice fiscale, et n'a pas non plus apporté la perspective politique et la vision qui permettent à l'Europe de jouer un rôle équilibrant dans l'ensemble international multipolaire que nous souhaitons.

David_Miodownick : Le manque d'adhésion populaire à l'UE, qu l'on peut observer à l'approche des élections, n'est-il pas le signe d'un échec de l'entreprise européenne ?
Catherine Trautmann : On assiste à un paradoxe. Quand on demande l'avis des Européeens, on constate que l'institution qui suscite le plus de confiance, c'est le Parlement européen. Pour ce qui concerne les Français, ce sont 58 % d'entre eux. Et pourtant, ils ne se rendent pas dans les mêmes proportions aux urnes.
Je pense que nous jouons gros pour ces élections sur les sujets que j'ai évoqués précédemment, car c'est le projet politique européen qui doit être transformé par les crises. Il est regrettable qu'on parle si peu d'Europe dans notre vie politique nationale, que ce soit encore trop considéré comme une question lointaine et que, par exemple, dans ces élections, l'UMP parte si tard empêche un véritable débat démocratique.

Rim : Avec quel pourcentage de voix le PS s'estimera-t-il stisfait ?

Catherine Trautmann : Dans le Grand Est, nous étions largement devant l'UMP au dernier scrutin. L'objectif est de pouvoir marquer davantage dans ce scrutin. Pour l'instant, l'UMP est encore devant les socialistes.

Jarjar_1 : Croyez-vous que Strasbourg doive conserver les institutions européennes ? Nombreux sont les eurodéputés qui souhaitent que tous les services soient concentrés à Bruxelles... ce qui a une certaine logique.
Catherine Trautmann : Le Parlement européen a son siège à Strasbourg, selon les traités, et il serait à mon sens judicieux d'avoir une indépendance marquée du Parlement européen, qui suppose le regroupement de ses activités dans un lieu, son lieu-siège. Ainsi Strasbourg serait la capitale parlementaire de l'Europe quand Bruxelles serait garantie d'accueillir les activités de la Commission, qui joue le rôle d'un quasi-exécutif, et du Conseil. Luxembourg serait alors la capitale juridique.

Jarjar_1 : Un commentaire sur les prestations de Rachida Dati en campagne ?
Catherine Trautmann : Consternantes. C'est ce que j'ai ressenti. Parce que pour être député européen ou députée européenne, il faut une motivation et il faut un respect de ces institutions, sans compter celui qu'on doit à ses électeurs. Le Parlement européen ne peut pas être un lieu de recyclage de politiques nationaux en recherche d'emploi.
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Chat modéré par Benoît Vitkine

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