les nouvelles absentes des prompteurs
24 septembre 2008
Sarkozy et les coupables, par Paul Jorion
Paul Jorion, 24 septembre 2008
Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Quand j’ai lu les propos du Président français à l’ONU, où il appelle à une réunion internationale pour résoudre la crise financière et parallèlement, à ce que l’on punisse les responsables, j’ai eu une vision irrévérencieuse : qu’au moment où tous les participants à cette réunion seraient dans la salle, Eliot Ness dirait à ses troupes « Allez les gars, on embarque tout ce beau monde ! »
Ce n’est certainement pas cela que Mr. Sarkozy envisage : il pense à des responsables de rang plus subalterne et plus particulièrement, je reprends ses propos, à « ceux qui mettent en danger l’argent des épargnants ». Ceci ne peut viser que les dirigeants de banques commerciales qui ont toléré que leur salle de marché se livre à des opérations spéculatives sur fonds propres. C’est-à-dire, à ma connaissance, à peu près tous. Mettre au pilori les spéculateurs et retrouver sur le banc des accusés les responsables de fonds de pension et les administrateurs d’ONG, ne résoudra rien non plus.
Et c’est là que le bât blesse, parce que si l’on châtie effectivement les responsables de la crise il ne restera pas grand-monde pour reconstruire ensuite.
Il y a eu des fraudes et ceux qui les ont commises doivent être punis mais ceci, absolument rien n’empêche de le faire maintenant, et ce devrait faire partie de la procédure courante. Mais changer les règles en cours de route et dire : « Tous ceux qui hier ont fait ceci - qui était légal à l’époque - seront punis aujourd’hui », est non seulement arbitraire mais aussi extrêmement dangereux.
Appeler à un nouveau Bretton Woods est une excellente initiative. Affirmer « Apprenons à gérer collectivement les crises les plus aiguës que nul ne peut résoudre tout seul » est également très louable et blâme à juste titre les autorités américaines pour leur orgueil. Ce qu’il convient de faire, c’est de réinventer les règles du jeu pour le rendre enfin humain. Ce ne sera pas facile et cela exigera beaucoup de remue-méninges et de dévouement. Désigner quelques « responsables » au hasard à la vindicte publique ne serait ni plus ni moins, et une fois encore, que du panem et circenses.
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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Référence : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2194